Mystère que cette série de suicides à la prison de Metz. Quatre suicides en cinq mois (voire cinq?). Il y a eu ceux du début de l'été: le 21 mai, un homme de 20 ans; le 2 juin un homme de 27 ans, et le 3 juillet un homme de 46 ans; tous les trois étaient suivis au Service Médico-Psychiatrique Régional, une structure hospitalière spécifique qui se trouve hébergée dans le centre pénitentiaire. Les avocats des familles dénoncent un manque de suivi, certes d'autant plus regrettable que ces personnes faisaient partie d'une population à risque identifiée au sein de la prison.
Mais que dire du dernier suicide ? ou plutôt des quatre tentatives de ces derniers jours, dont une a terminé de façon tragique et vaut un déplacement de la Garde des Sceaux (deux autres ont été décrochés de justesse, quid du 4e ? Le Républicain Lorrain indique que la semaine dernière, un individu a 'succombé à sa pendaison' - RL 9/10/08 ; cela signifie-t-il que, mort à l'hôpital, il ne ferait pas partie des statistiques pénitentiaires?).
La prison de Metz est de construction récente, et elle n'est pas particulièrement surpeuplée. Les prévenus sont dans des secteurs séparés des condamnés. Les mineurs ont leur quartier spécifique. On peut toujours dénoncer un manque de moyens, qui frappe aussi (et peut être encore davatage) les autres prisons, mais pourquoi cette série de suicides dans un établissement jugé 'modèle'?
On avance maintenant une nouvelle hypothèse pour expliquer la série récente des suicides/tentatives. Selon le RL encore, la direction du centre pénitentiaire fait état de rumeurs, selon lesquelles au quartier des mineurs certains éléments incitent leurs camarades à menacer de se pendre afin d'obtenir certains 'privilèges': une télévision, un changement de cellule, etc. Les surveillants, dès le mois d'août, dénonçaient le climat délétère au quartier des mineurs, et le chantage au suicide. On ignore ce que Nabil voulait. Il avait 16 ans et venait de prendre 6 mois fermes pour trafic de stup et conduite sans permis. Qu'un jeu pervers et stupide soit à l'origine de son suicide n'enlève rien à la responsabilité du système dans sa mort; au contraire; on y voit bien que la prison ne corrige pas l'immaturité. Elle lui donne une portée d'autant plus tragique.
Dans un petit livre éclairant qui vient de paraître, Jean Bérard et Gilles Chantraine dénoncent le "doux rêve d'une prison éducative" à l'origine du nouvel engouement pour l'incarcération des mineurs: "l'utopie correctrice qui a traversé la conception des EPM [Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs] a tout de suite rencontré ses limites, manifestée par la violence au sein de ses établissements"(p.120). Le titre du livre semble futuriste au premier abord; on comprend rapidement que c'est une projection tout à fait réaliste de l'administration pénitentiaire qui nous invite à poser la question de l'inflation carcérale: 80 000 détenus en 2017? Pourquoi, et pour quoi faire?
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