dimanche 23 novembre 2008

La Grande Guerre

Deux semaines après les commémorations du 90e anniversaire de la fin de la Première Guerre Mondiale, voici un extrait d'un livre passionnant sur les conséquences de la guerre sur la société française "14-18, retrouver la Guerre". Avant l'extrait, choisi pour son caractère comique, un petit mot de l'ouvrage: Stéphane Audouin-Rouzeau et Annette Becker y analysent la spécificité de la Grande Guerre, notamment au regard de la violence (le massacre de masse, la pulvérisation des corps sur le champ de bataille), de la mobilisation idéologique, du deuil. La mobilisation idéologique n'était pas réductible à de la simple propagande, affirment les auteurs, qui cherchent à rendre compte du profond consentement à la guerre qui a caractérisé l'Europe (avant les mouvements pacifistes et les mutineries sur lesquelles les commémorations actuelles insistent davantage). Cette mobilisation prenait les dimensions d'une véritable "croisade" contre l'ennemi, croisade dans laquelle étaient mobilisées les dimensions religieuses mais aussi pseudo scientifiques de la haine de l'autre. Ainsi on put entendre à l'Académie de médecine la présentation d'un opuscule intitulé "Bromidrose fétide de la race allemande" :
"l'Allemand, qui n'a pas développé le contrôle de ses impulsions instinctives, n'a pas cultivé davantage la maîtrise de ses réactions vasomotrices. Par là, il se rapprocherait de certaines espèces animales chez lesquelles la peur ou la colère ont pour effet de provoquer l'activité exagérée de glandes à sécrétion malodorantes (...) La principale particularité organique de l'Allemand actuel c'est qu'impuissant à amener par sa fonction rénale surmenée l'élimination des éléments uriques, il y ajoute la sudation plantaire. Cette conception peut s'exprimer en disant que l'Allemand urine par les pieds"

(Dr Bérillon, 1915. Cité par Audouin-Rouzeau et Becker, p147-148)

On peut se réjouir que ce texte nous fasse bien rire, maintenant que les Boches sont nos potes dans l'Europe. Cela laisse pensif tout de même sur les pouvoirs de la science...

lundi 10 novembre 2008

Eaux troubles

Puisque c'est la mode de la semaine, et aussi parce que je viens de finir le pavé de Scahill, voici un exemple des défis qui attendent le nouveau président des Etats-Unis: Blackwater, l'armée de mercenaires la plus puissante du monde, véritable géant de la sécurité privée qu'on retrouve sur les contrats les plus lucratifs depuis l'Iraq jusqu'à l'Afghanistan en passant par les gazoducs d'Asie centrale et les inondations de la Nouvelle-Orléans.
L'enquête magistrale de Jeremy Scahill, parue en 2007 a été rééditée en 2008 à la lumière des dernières auditions sur l'affaire de Nisour square, ce carrefour de Baghdad où des mercenaires de Blackwater ont ouvert le feu sur des civils iraquiens sans raison apparente. 17 morts. Aucun coupable puisque Blackwater bénéficiait d'un décret d'immunité connu sous l'appellation d' "Order 17", par lequel Paul Bremer, dès 2004, empêchait le gouvernement iraquien de poursuivre les sous-traitants privés devant les juridictions iraquiennes; l'armée américaine ne bénéficiait pas de tant d'indulgence, puisque les infractions aux règlements étaient traduites en cour martiale.
L'affaire de Nisour Square n'a donc abouti qu'à une enquête parlementaire, qui a montré l'ampleur de la privatisation des domaines jusque là réservés au gouvernement. A l'été 2007, il y avait plus de 180 000 "sous traitants" (private contractors) en Iraq, contre 160 000 soldats américains. Contrairement à l'opinion largement répandue, ces compagnies privées n'interviennent pas seulement dans les domaines proprement civils (infrastructure, pétrole etc) mais aussi dans les opérations de type militaire; si on ne connaît pas les chiffres des civils travaillant sur des missions de "sécurité", on sait qu'ils représentent plusieurs dizaines de milliers de personnes. Encore à l'heure actuelle. Des dizaines de milliers de mercenaires armés, sans réelle supervision, sans règlement contraignant, et hors de tout cadre juridique.
Il y a là de quoi faire froid dans le dos. Et Jeremy Scahill nous rappelle ainsi que les événements qui avaient précédé le siège de Fallouja étaient intimement liés à l'intervention de Blackwater en Iraq. Vous vous souvenez de ces images de quatre "civils" américains tués par la foule en Iraq, dont les corps avaient été traînés à travers toute la ville, mutilés, et montrés aux télévisions du monde entier comme avertissement à l'Amérique ? Il ne s'agissait pas de gentils ingénieurs venus réparer les conduites d'eau, il s'agissait de mercenaires de Blackwater en route pour une mission d'escorte des vivres destinés à l'armée américaine (la logique économique est ici à chercher du côté des copinages privés), qui ont traversé la ville de façon tout à fait inconsciente, alors que l'agitation était grande une semaine après que des habitants, qui protestaient contre l'occupation d'une école par l'armée, se soient fait tirer dessus par des soldats et des mercenaires de blackwater qui se trouvaient ensemble dans le bâtiment. Le lynchage des quatre "civils" en mars 2004 provoqua une telle émotion aux Etats Unis que l'armée américaine décida de poursuivre les criminels, et de "pacifier" Fallouja par tous les moyens. La ville de 350 000 habitants fut encerclée par un millier de marines, et deux bataillons de soldats iraquiens, bombardée jour et nuit pendant une semaine, faisant environ 600 morts (en majorité femmes et enfants), et des milliers de déplacés. Au lieu de remettre en question l'intervention des compagnies de sécurité privée, cet événement ne fit que renforcer leur position : Blackwater, bien que critiqué par l'armée américaine (qui jugeait la concurrence déloyale et néfaste pour son image en Iraq), remporta de nouveaux contrats... Et pas seulement en Iraq. Car les ambitions de la firme étaient bien planétaires. On la retrouve ainsi le long des pipelines de la Caspienne, dans des contrats de coopération militaire notamment avec l'Azerbaïjan. On la retrouve à recruter des troupes d'élite au Chili, parmi les anciens pro-Pinochet.
On la retrouve, bien sûr, en Afghanistan. Mais aussi, chose plus inattendue, à la Nouvelle Orléans... immédiatement après que le cylcone Katrina eut frappé la ville, le 29 août 2005, Blackwater annonça sa volonté d'apporter son aide aux secours d'urgence. Au lieu de secouristes, ce sont des gardes de sécurité qui ont été envoyés, pour s'assurer que les riches villas, hôtels et magasins ne soient pas pillés. Et loin d'être un secours bénévole, les contrats remportés par Blackwater s'élevèrent à plusieurs millions de dollars - dont 73 millions en contrats avec le gouvernement américain, notamment pour "protéger" les locaux de la FEMA, l'organisme public chargé des secours d'urgence. Alors que les miliciens armés jusqu'aux dents affluaient dans la ville dévastée, les habitants sinistrés n'avaient toujours pas d'eau ou de vivres. Obama notait alors avec ironie que, à sa connaissance, aucune attaque terroriste n'était prévue à la Nouvelle Orléans et qu'on aurait pu faire un usage plus judicieux des fonds publics en de telles circonstances.
Toujours avide de nouveaux marchés, Blackwater plaide activement pour une intervention américaine au Darfour qui s'appuie sur 'le professionalisme' des compagnies privées de sécurité. Et pour une 'professionnalisation' des milices qui gardent la frontière américano-mexicaine.L'enquête de Scahill, loin de s'arrêter à un catalogue de scandales, s'attarde longuement sur la biographie des principaux acteurs, pour montrer comment ils ont constitué leurs réseaux dans les milieux de la droite chrétienne conservatrice, et ont bénéficié de l'interpénétration des milieux d'affaires et des milieux politiques.

jeudi 6 novembre 2008

Jusqu'où?

La rétention administrative, ou comment euphémiser la déportation. Voir le clip.

mercredi 5 novembre 2008

quelques mots sur l'élection



Heureusement qu'il y a des villes et de la mer en Amérique... voyez les cartes de la géographie électorale. Cette division se reproduit d'ailleurs de manière très intéressante à l'échelle de l'Etat de Washington, où les villes (Seattle, Spokane, Olympia)tranchent sur les zones rurales désertiques. On pourrait appeler cela le syndrome du cow boy...
Il n'en reste pas moins que l'Amérique est le monde des possibles, capable du pire comme du meilleur, et que c'est bon de pouvoir croire en l'avenir.

YES WE CAN


THANK YOU AMERICA