dimanche 26 septembre 2010

Abattoir 5


Non ce n'est pas le titre d'un film d'horreur gore, c'est le titre d'un chef-d'oeuvre injustement oublié... inspiré d'un roman de Vonnegut (et, paraît-il, transposition fidèle, quasi scolaire de ce roman), Abattoir 5 est un film original, drôle et inspiré, qui parle de la guerre et de l'existence petite-bourgeoise en Amérique. Les acteurs sont excellents, les effets spéciaux touchants, et l'ensemble manie adroitement une alternance pourtant périlleuse entre poésie et humour décalé.

Billy Pilgrim est un jeune Candide projeté dans la guerre avec toute sa naïveté et sa fraîcheur, qui ne rêve pas d'héroïsme - il passera la guerre comme prisonnier - et s'inquiète peu de l'honneur - accoutré d'un manteau de femme que les soldats allemands lui ont donné, et de bottes argentées sorties de nulle part. Le film est un témoignage bouleversant sur Dresde, dont on voit la beauté avant le bombardement, et la dévastation après (d'ailleurs, il existe peu de films sur ce sujet, à ma connaissance, et les recherches internet font remonter "Abattoir 5" parmi les principales sources. Si vous en connaissez d'intéressantes, merci de les signaler en commentaire)
De retour de la guerre, Billy mène une vie plate dans sa "suburb", marié avec la fille de son professeur d'optométrie qui lui promet de faire un régime chaque fois qu'il lui offre un cadeau, père de deux enfants qui l'intéressent moins que son chien. Mais le présent est toujours entremêlé du passé, des amitiés de soldat, des inimitiés aussi, et du tragique bombardement de Dresde. S'entremêle aussi l'avenir, sous la forme fantastique d'une soucoupe volante et d'un enlèvement sur l'absurde planète Trafalmadore, un plateau télé où, pour le divertissement de spectateurs invisibles, Billy est sommé de s'accoupler avec une starlette hollywoodienne - ils s'en tireront honnêtement en fondant dans cette bulle une petite famille bourgeoise...
Le récit peut s'entendre à plusieurs degrés, comme un manifeste pacifiste (réalisé en pleine guerre du Vietnam, le film ne manque pas de le rappeler), comme une critique de l'American Way of Life, comme une dénonciation du spectacle aussi contre lequel les valeurs familiales petites-bourgeoises sont une antidote sûre. Finalement, plutôt que "cultive ton jardin", la morale ici serait "caresse ton chien, sois fidèle à ton ami, et exerce ton libre arbitre en acceptant de vivre avec une femme que tu n'as pas choisie".

(sur un ton totalement différent, mais explorant aussi ces domaines mystérieux de la mémoire et du traumatisme, qui interrompent le fil continu de l'existence, la brisent et la recomposent sous forme de mosaïque troublante, "Fragments d'Antonin" est un film magnifique)