Le dernier message de mon blog "Yasmine in Seattle" rendait hommage à Mahmoud Darwish, et donnait à lire un de ses plus beaux poèmes d'amour, Jasmin sur les nuit de juillet. Darwish était connu des média pour la dimension politique de son oeuvre, lui qui a été militant de l'OLP dès la première heure et a porté les armes à Beyrouth. Mais ce n'est pas cet engagement politique qui a fait de lui un grand poète. Comme pour René Char, c'est la profondeur de la poésie pure qui fait résonner ses mots par delà les époques et les frontières. L'intensité de l'homme terré enterré mort qui se demande s'il vit encore dans les décombres de la ville assiégée ( "Une mémoire pour l'oubli"). La densité de la nostalgie qui surgit à la seule évocation de l'odeur du café de sa mère, et de l'olivier. L'étonnement du philosophe qui rend dérisoires les frontières.
J'ai vu le film 'Le sel de la mer' d'Annemarie Jacir. C'est un peu le contraire de Darwich. Un film politique intéressant mais qui manque de profondeur et d'intensité poétique. Dans ce film qui met en scène la relation d'une Américaine d'origine palestinienne qui rêve de retour, et un Palestinien bloqué par l'occupation qui rêve d'émigrer, on voit à peu près tout les acteurs du conflit: les Israéliens, les Palestiniens occupés, les douaniers humiliants, l'armée arbitraire, le banquier cupide de Cisjordanie, le village détruit, le check-point, le colon, l'Israélienne militante de la paix... C'est un exposé assez pédagogique qui en même temps explore la question intéressante du rapport à la Terre de ces enfants de réfugiés qui ont grandi ailleurs.
Suheir Hammad, l'actrice principale, a grandi à Brooklyn. C'est une poétesse, qui excelle dans le 'spoken word', cette poésie parlée qui s'énonce et s'élance et rebondit et écrit les mots dans la voix et dans le corps. J'ai eu la chance de la rencontrer à Olympia (Washington) lors d'un déjeuner organisé par des militants contre l'occupation - la principale organisatrice était la mère de Rachel Corrie, une jeune militante des droits humains qui avait été tuée par un bulldozer israélien alors qu'elle protestait contre les destructions de maisons en Cisjordanie, en mars 2003. Il y avait aussi Dahr Jamail ce jour là, un courageux journaliste qui a couvert la guerre en Irak 'unembedded', c'est-à-dire non embrigadé dans une unité de combat. La discussion avait porté essentiellement sur la guerre en Iraq. Suheir apportait la fraîcheur et la force de sa poésie.
C'est ce qui m'a manqué dans le film. Elle est là, trop naturelle, tellement exactement comme les jeunes Palestiniennes Américaines que j'ai rencontrées, qui maîtrisent parfaitement le langage du droit et exige que réparation soit faite à leurs ancêtres, et, venant d'Amérique, ne sont pas prêtes à tolérer les humiliations de l'occupation. Trop naturelle parce qu'elle a abandonné (sauf dans cette scène, forte, de confrontation avec la militante pour la paix qui occupe la maison de son grand père à Jaffa), le rythme hip hop qui fait vibrer sa colère dans sa 'Def Poetry'. Trop naturelle parce qu'alors on n'entre pas dans sa tête, son sourire et ses cheveux fous ne nous laissent pas voir ses dilemmes, les silences, la poésie qui transcende les contingences. Bref, dans ce film elle est idéaliste mais on manque d'absolu...
Revenons alors à la poésie.
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