... à l'occasion d'une exposition-performance à la maison des Métallos, par le collectif "Ruban Vert". Le vert, on l'aura retenu, est la couleur des partisans de Moussavi, puis de l'ensemble de l'opposition à Ahmadinejad lorsque ce dernier a confisqué les élections de juin 2009. Vert couleur de l'islam devenue si subversive, aux yeux des gouvernants de la république islamique, qu'elle en a été interdite, "lorsque nous nous sommes aperçus que la police surveillait qui achetait de la peinture verte dans les magasins, nous nous sommes mis à acheter du bleu et du jaune, et nous avons fait le mélange nous-mêmes".
L'exposition retrace, à travers de tels témoignages, les moments de la révolte populaire, les manifestations de rue, la répression, les arrestations ; mais surtout elle met en scène l'originalité du mouvement et sa créativité, à travers une mobilisation inédite du religieux et du technologique, de performances spontanées dont les artistes du collectif Ruban Vert se font les passeurs.
Mobilisation du religieux car les partisans de Moussavi (l'un des fondateurs de la République Islamique) revendiquaient explicitement leur légitimité religieuse contre Ahmadinejad et le guide Khamenei (lequel avait pris la place de Guide Suprême contre le successeur désigné de l'imam Khomeyni) ; parfois (et en particulier pour la jeunesse urbaine) cette mobilisation pouvait n'être qu'instrumentale : par exemple porter un portrait de Khomeyni sur soi pendant les manifestations pour n'être pas battu par la police; ou tenir avec soi son chapelet vert, comme le raconte l'un des artistes du collectif Ruban Vert dans l'exposition d'objets-témoins: "Quand je me retrouve face aux flics avec leurs bâtons et leurs habits effrayants, je sors mon chapelet, je le bouge devant leurs yeux et je récite mes prières. Après, quand les gens se réunissent et au moment de lancer les slogans, je le mets autour de mon poignet, et ainsi il devient mon bracelet vert". Dans le contexte iranien, cette mobilisation du religieux a un sens profondément révolutionnaire, renvoyant aux journées de 1979, lorsque le peuple criait "Dieu est grand" sur les toits pour dénoncer la bassesse de leur dictateur, lorsque l'appel à la transcendance visait à démasquer les supercheries du pouvoir temporel. L'installation sonore recréant l'ambiance des nuits de Téhéran par des hauts parleurs placés dans une chambre noire est un impressionnant témoignage vivant, transmettant non pas un document mais une expérience.
Mobilisation de la technologie aussi, car les citoyens d'Iran à qui l'on avait retiré le droit de cité, en leur volant leur vote, retrouvaient une voix dans les espaces publics virtuels d'internet (voir l'article de Libé): jamais un mouvement populaire ne fut autant filmé par ses participants, qui apportaient chacun leur point de vue à travers l'objectif de leur téléphone portable, et l'envoyaient comme témoignage au monde sur les sites et réseaux sociaux virtuels, en utilisant proxys et fausses adresses ip pour déjouer les censeurs du régime. Twitter et Facebook devinrent des hauts lieux de la mobilisation et de l'information, contournant les interdits. Le collectif Ruban Vert reprend ces matériaux (vidéos, messages twitters...) comme matière artistique à installations et performances. Les documents sont déroutants, mettent le spectateur-témoin en situation de "temps réel" étourdissant; surtout, ces installations et performances illustrent l'éclatement des "mass média" par les nouvelles technologies qui brisent l'unicité de la voix, démultiplient les angles et perspectives.
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