samedi 3 janvier 2009

Gaza

Je n'ai pas écrit de message depuis le début de l'offensive israélienne sur Gaza. C'est que j'y pense beaucoup, et j'ai beaucoup trop de choses à dire sur le sujet. Tout d'abord, sur le traitement médiatique prétendument "modéré" qui évoque des torts partagés entre Israël victime des roquettes et les Gazaouis victimes des bombardements. Il suffit de savoir compter pour voir l'absurdité de cette équation. Ensuite, sur l'identité des victimes: Israël affirme viser essentiellement des militants du Hamas et ne faire que des dégats collatéraux parmi les "vrais" civils.

Reste à voir qui sont les militants du Hamas: en l'occurrence, n'importe qui travaillant pour le semblant de structure institutionnelle à Gaza; c'est-à-dire policiers, pompiers, enseignants etc. Les cibles sont en effet des cibles civiles, qui touchent le Hamas dans ses activités civiles d'administration d'un territoire dont il avait la charge depuis sa victoire aux élections législative (légitimité légale) et depuis sa rupture avec le fatah de Mahmoud Abbas (qui n'a rien fait pour défendre les députés élus qui ont été jetés en prison en Israël sur des allégations floues de terrorisme ; l'un d'entre eux, président du Parlement, a ainsi été condamné à 36 mois de prison pour son appartenance au Hamas, forme de représaille suite à l' "enlèvement" du caporal Shalit).

Depuis des mois les organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme tirent la sonnette d'alarme sur la situation à Gaza. Pénurie d'énergie, d'eau, de denrées alimentaires. Enfermement. Blocage de toute activité. Ces mesures n'étaient pas, pour Israël, un moyen de pression pour forcer le Hamas à la négociation, puisque c'est le Hamas lui-même qui a proposé une trêve et proposé de négocier - ce à quoi Israël a répondu qu'il ne négociait pas avec les "terroristes". Il a bien fallu pourtant que les Britanniques acceptent de discuter avec le Sinn Fein pour régler la question nord-irlandaise. L'accusation de terrorisme n'est pas signe d'une volonté d'apaisement politique, surtout lorsqu'elle vise un mouvement qui, devenu responsable de la gestion des affaires courantes, est en train d'accomplir sa propre mutation (bel article de Libé sur le sujet). Le choix de cibles telles que le siège de la police (visé le jour de la remise des diplômes à la nouvelle promotion de policiers), une caserne de pompiers près d'un camp de réfugiés, l'université islamique de Gaza (qui n'est pas un obscur repaire de Talibans mais une réelle institution académique), laisse planer des doutes sur les intentions réelles des stratèges israéliens. S'agit-il vraiment de faire cesser des tirs de roquette? D'affaiblir le Hamas? Ou de réoccuper Gaza?

En 2005, le choix de Sharon d'évacuer les colons de Gaza semblait politiquement courageux mais en réalité c'était une décision bien pragmatique. Gaza était une sorte de ghetto moche, avec quelques colonies cossues entourées de hordes de Palestiniens affamés; maintenir la sécurité des colons juifs coûtait cher. En plus, la surexploitation des nappes phréatiques avait causé la salinisation des ressources en eau, et il fallait importer à grand frais l'eau pour la consommation courante et l'agriculture. Finalement, il valait mieux laisser tomber Gaza et se concentrer sur la Cisjordanie, ce qui fut fait avec grands succès si l'on regarde un peu les cartes du territoire qui revient en vertu des traités à l'autorité palestinienne (CARTE: on remarque que les parties en orange, colonisées, couvrent la totalité des rives du Jourdain). Plus que l'argent, l'eau est le nerf de la guerre dans ces régions arides...

Toutefois, à la réflexion, les dirigeants israéliens, actuellement en campagne, se sont peut-être dit que les rivages de Gaza étaient intéressants, d'autant plus qu'on y a découvert de très importants gisements de gaz. De là à envisager de réoccuper la poudrière gazaouie, le chemin est long et douteux...

Quel est alors le plan israélien? Comme en 2006 avec l'offensive (désastreuse) au Liban, cela ne paraît pas clair. Comme en 2006, les démonstrations de force de l'armée israélienne et leur lot d'innocentes victimes civiles ne vont que renforcer la popularité de mouvements radicaux. Après la "victoire héroïque" du Hezbollah, les drapeaux jaunes flottaient partout au Liban. En Syrie, le Hezbollah était devenu tellement populaire que les discours de Nasrallah (le leader au turban noir) et les chants de lutte étaient en tête du top 50 des vendeurs de K7 à la sauvette. Anecdote locale: des représentants du Hezbollah avaient été invités par des Chrétiens de Marmarita, comme hôtes de marque, lors des cérémonies de l'Assomption du 15 août 2007. Manière de dire que les questions politiques dépassent les questions religieuses. Huntington est mort, recommençons à regarder les faits tels qu'ils se présentent...

7 commentaires:

Yasmine a dit…

Un truc marrant que je voulais ajouter en commentaire: si on essaie d'aller voir le site israélien d'Indymedia ( https://israel.indymedia.org/ ), on tombe sur un petit douanier qui dit que le certificat n'est pas valide... Rigolo non? heureusement sur internet on va pas nous foutre en centre de rétention pour un "access denied" !

Anonyme a dit…

coucou yasmine, ton article est super intéressant
je voulais connaître tes sources, c'est par tes amis sur place, des journaux ?
romain

Yasmine a dit…

Pour la situation à Gaza, mes sources ce sont les journaux et pour l'histoire du hezbollah en Syrie, je n'étais pas moi-même à Marmarita ce 15 août là mais ma copine syrienne y était et elle m'a montré des photos; il y avait même une vidéo sur youtube... On trouve d'ailleurs sur youtube un exemple de l'évolution de l'opinion publique au Liban: la chanteuse chrétienne Julia Boutos, une sorte d'Edith Piaf nationale au Liban, qui chante les chers disparus, et l'héroïsme des "hommes de Dieu" (hezbollah) ... http://fr.youtube.com/watch?v=uTdEAm3WhmA . Pour plus d'info sur la musique nationaliste post-guerre au Liban, et sur les succès de la musique hezbollahi jusque dans les boîtes de nuit beyroutines, voir: http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3318140,00.html (article en anglais)

like the lettuce a dit…

c'est là où on regrette d'être en turquie et de pas pouvoir accéder à you tube...

continue yasmine s'il te plaît sur le sujet.

Yasmine a dit…

il n'y a pas youtube en Turquie???

Anonyme a dit…

j'ai You Tube, mais merci de cet article (ça fait un moment que j'étais pas allé sur ton blog, il est super intéressant, merci de partager comme ça tes découvertes)
Et y'a pas Deezer non plus en Turquie

Biz

like the lettuce a dit…

bien sûr que non, y a eu des allusions à l'orientation sexuelle d'atatürk... c'est pas le seul site interdit d'ailleurs.